La légende de la pomme de terre

Version réécrite par N. Brachet, basée sur le livre "Leyendas de mi tierra"
de Antonio Diaz Villamil (Libreria - Editorial "Juventud")

Il y a très longtemps, le peuple des Sapallas vivait une existence paisible et harmonieuse. La nature généreuse subvenait entièrement aux besoins de chacun, et l'entente cordiale avec les pays voisins leur avait fait oublier ce qu'étaient la violence et la guerre.

Un jour, l'éruption soudaine d'un volcan vint troubler l'harmonie de ce petit monde apparemment parfait. Les Karis voisins des Sapallas, qui vivaient au nord non loin des flancs du volcan, furent forcés de fuir leur pays dévasté et d'abandonner la plupart de leurs biens. Attirés naturellement par les richesses du territoire Sapallas, les Karis prirent les armes et envahirent par la force le riche pays. Les Sapallas impuissants furent immédiatement réduits à l'esclavage sans même opposer la moindre résistance à l'envahisseur.

Durant de nombreuses années, les Sapallas, résignés à accepter leur triste sort, travaillèrent sans relâche pour leurs maîtres Karis. Un seul homme, le jeune Choque, dernier descendant des chefs Sapallas, refusait cette domination et préférait recevoir les terribles châtiments des Karis plutôt que de se rabaisser à travailler pour eux. Les Sapallas essayèrent maintes fois de convaincre le jeune homme d'abandonner la lutte et d'accepter sa condition d'esclave, mais en vain. Choque était convaincu que les Dieux ne laisseraient pas impunie une telle injustice.

Les Dieux observaient effectivement la scène et furent impressionné par la bravoure et la foi de Choque. Le grand Pachacamaj prit la forme d'un condor blanc et vint à la rencontre du jeune homme. Le dieu récompensa Choque en lui indiquant l'emplacement de graines d'une plante encore inconnue des hommes appelée papa (pomme de terre). Ces graines furent semées secrètement par les Sapallas en remplacement des traditionnelles cultures de quinoa et fèves destinées aux Karis.

Quelques mois passèrent, et les graines se mirent à germer. Fidèles à leur habitude, les Karis se précipitèrent les premiers pour récolter toutes les feuilles vertes et les baies de la nouvelle plante. Quant aux Sapallas, ils devaient se contenter des restes laissés sur le champ, et ne comprirent pas tout de suite en quoi les graines offertes par les dieux avaient bien pu les aider. Mais leur surprise fut grande quand ils découvrirent les fabuleuses tubercules enfouies sous terre que les Karis avaient manquées. La précieuse nourriture leur redonna espoir et la force de combattre l'oppresseur.

De nombreux Karis qui avaient consommé les feuilles et fruits vénéneux des pommes de terre étaient tombés malades ou morts. Les Sapallas en profitèrent pour se rebeller et chasser définitivement les derniers Karis de leur territoire. Choque fut élu chef des Sapallas. Il mit en place une nouvelle société heureuse et forte, et la pomme de terre continua à être cultivée avec le respect qu'il se doit à un fruit sacré des dieux.