La guerre du Pacifique est certainement l'événement le plus tragique de l'histoire de la Bolivie. Le pays a perdu cette guerre contre le Chili, une partie de son territoire (son unique point d'accès à l'océan Pacifique) et d'énormes richesses minérales. Amputée de cette région capitale, la Bolivie n'a jamais réussi à décoller économiquement. Le sentiment d'impuissance et d'injustice du peuple bolivien envers le puissant voisin chilien est toujours d'actualité. Les médias et les politiques boliviens ne manquent pas une occasion pour rappeler les injustices passées et la nécessité de rouvrir le dossier historique vieux de plus d'un siècle afin de trouver une solution à ce problème territorial. Le feu de l'espoir couve dans tous les coeurs boliviens, un jour la Bolivie retrouvera son accès au Pacifique...

Demande Maritime 2004
(document gracieusement fourni par l'ambassade de Bolivie en Autriche)
 

Héritage des espagnols

Dans la vice-royauté du Pérou, l'Audience de Charcas est la base historique de la fondation de la république de Bolivie (1825). Vers 1550, les conquistadors espagnols (La Gasca et Pedro de Valdivia) établissent ses limites sud avec le Chili sur le parallèle 25, au niveau du fleuve Salado. La façade Pacifique de la Bolivie fait partie de l'intendance de Potosí jusqu'en 1867, date à laquelle elle change de statut administratif pour devenir le département du Litoral. D'une superficie de 120,000 km2 et s'étalant sur 400km de côte maritime, le département du Litoral est divisé en 2 provinces: La Mar (capitale Cobija) et Atacama (capitale San Pedro de Atacama).

Les ambitions grandissantes du Chili

Dans les années qui suivent 1840, le président Manuel Bulnes Prieto gouverne le Chili, et affirme la force de son pays en promouvant le développement économique et culturel ainsi que les relations internationales. Les troupes chiliennes prennent possession du détroit de Magellan à la pointe sud du pays entravant les projets de colonisation des anglais et français dans la région. En 1844, le traité d'indépendance du Chili est signé avec l'Espagne. A cette époque, les relations entre le Chili et les autres pays américains sont bonnes, mais les querelles de frontières commencent à apparaître avec la Bolivie et l'Argentine.

En 1842, Bulnes ordonne la prospection de gisements naturels dans la région nord frontalière avec la Bolivie. Les recherches révèlent d'importants gisements de salpêtre (nitrate de soude utilisé comme engrais agricole) et de guano. Bulnes déclare alors propriété nationale les gisements de guano de Coquimbo le désert d'Atacama et les îles adjacentes, et en commence l'exploitation en collaboration avec des compagnies étrangères nord américaines.

La Bolivie partagée entre guerre et paix

Pendant une vingtaine d'années, la Bolivie conteste l'incursion du Chili sur son territoire. Les immigrants chiliens affluent vers le nord attirés par les intérêts économiques.

En 1863, des problèmes de droits de concessions de guano éclatent dans la région de Mejillones. Les forces navales chiliennes prennent alors possession du port de la ville afin d'assurer la protection des chargements, et d'effectuer des prospections minières dans la région. En réponse, le 5 juin 1863, le président bolivien Acha demande au congrès de voter une loi autorisant le recours à la guerre contre le Chili comme ultime solution, en cas d'échec des négociations diplomatiques pour récupérer le territoire envahi. La Bolivie propose une alliance militaire avec le Pérou, mais ce dernier refuse en privilégiant la médiation pour solutionner le problème entre les deux pays.

1865: Altercation entre le Pérou et l'Espagne. Le Chili intervient et le port de Valparaiso se retrouve menacé par la flotte espagnole. Bien que non sollicitée, la Bolivie du président Melgarejo se joint à la coalition sud-américaine pour prêter main forte au Chili. Les espagnols abandonnent la partie. Les chiliens sont reconnaissants aux boliviens et se disent prêts à accepter les frontières proposées par la Bolivie.

Le 10 août 1866, un premier traité établit la frontière entre la Bolivie et le Chili au parallèle 24 (la frontière nord du Chili gagne 1 degré en latitude), avec accord d'une zone commune d'exploitations du guano et des richesses minérales située entre les parallèles 23 et 25 degrés.

En 1867, la Bolivie crée le département du Litoral. Le Litoral compte à cette époque 5500 habitants.

La partie de bras de fer continue

1872: Découverte d'importants gisements d'argent dans la région de Caracoles. Les boliviens, de peur de voir les chiliens s'approprier à nouveau la région, dépêchent un bataillon militaire dans cette ville.

En 1873, la Bolivie passe une alliance (secrète) militaire avec le Pérou en cas de guerre avec le Chili.

Le 6 août 1874, un traité de paix et d'amitié vient compléter celui de 1866, ratifiant la frontière au parallèle 24, avec un engagement de la Bolivie à ne pas augmenter les taxes d'exportation pour les compagnies industrielles installées dans la zone de partage pendant une durée de 25 ans.

En 1878, le général bolivien au pouvoir Hilarion Daza ordonne au préfet d'Antofagasta de percevoir une taxe de 10 centimes de pesos boliviens par quintal de salpêtre exporté par les compagnies chiliennes "FFCC" et "la Companía de Salitre". Le Chili proteste et refuse la décision bolivienne, dénonçant une violation du traité de 1874. Le 1er février 1879, Daza décide alors la confiscation par l'état bolivien des gisements de salpêtre exploités par ces deux compagnies.

Les grandes compagnies industrielles anglaises qui exploitaient le salpêtre ont probablement joué un rôle dans le déclenchement de la guerre du Pacifique en attisant les ambitions expansionnistes du Chili aux dépends de son voisin bolivien.

 

1879: Déclenchement de la guerre du Pacifique

Le 12 février 1879, le Chili rompt les relations diplomatiques avec la Bolivie. Les forces navales chiliennes reçoivent l'ordre de revendiquer et d'occuper les territoires tels qu'ils étaient définis avant le traité de 1866.

Le 14 février, les troupes chiliennes débarquent à Antofagasta, ville bolivienne sans garnison militaire. Un jour plus tard, c'est au tour des ports de Cobija et Caracoles de tomber sous l'occupation chilienne. La nouvelle parvient à La Paz 12 jours plus tard.

Le 1er mars 1879, la Bolivie déclare la guerre au Chili. Le 5 avril 1879, Le Chili déclare la guerre à la Bolivie ainsi qu'à son allié le Pérou.

Les forces militaires nationales en présence avant la guerre sont à l'avantage de la coalition Péruano-bolivienne.

  • Chili: 2 millions d'habitants, 3000 soldats bien préparés et équipements modernes
  • Bolivie: 2 millions d'habitants, 4500 soldats
  • Pérou: 3 millions d'habitants, 7500 soldats et une flotte maritime de premier ordre
 

Déroulement de la guerre

  • Phase 1: batailles pour le contrôle de l'océan remportées finalement par l'armée chilienne le 8 octobre 1879 (bataille de Angamos).
  • Phase 2: batailles dans le désert d'Atacama, défaites boliviennes à Pisagua (2 novembre 1879), victoire de la coalition à Tarapacá (27 novembre 1879). Le 26 mai 1880, les boliviens se retirent du conflit après leur défaite durant la bataille de Tacna.
  • Phase 3: Les chiliens poursuivent leur combat contre les péruviens qui occupent les régions d'Arica. L'armée péruvienne organise la défense d'Arica, mais après quelques mois de combats acharnés, la ville tombe sous le contrôle chilien le 7 juin 1880.
  • Phase 4: Les troupes chiliennes progressent vers le nord et s'emparent de Lima le 17 janvier 1881. La résistance péruvienne s'organise en guérilla. La guerre entre les deux pays prend fin le 20 octobre 1883 avec la signature du traité d'Ancón.

Le 23 mars 1879, Eduardo Abaroa et une poignée d'hommes défendent héroïquement le village bolivien de Calama (bataille de Topáter). Symbole de la résistance bolivienne à l'invasion, Eduardo Abaroa est devenu un héro national. La dernière phrase qu'il lança au colonel chilien Villagrán  avant d'être abattu fut "¿Rendirse?, ¡que se rinda tu abuela, carajo!". " (Se rendre? Que se rende ta grand-mère, merde!).

Le 4 avril 1884, la Bolivie et le Chili signent un pacte de trêve stipulant une reprise des relations commerciales entre les deux pays et le retrait des territoires boliviens jusqu'au parallèle 23. Ces mesures sont entérinées le 20 octobre 1904, avec la signature d'un traité de paix et d'amitié. Pour compenser les pertes territoriales, le Chili accorde à la Bolivie des avantages fiscaux dans la ville d'Antofagasta et s'engage à la construction d'une ligne de chemin de fer reliant la côte Pacifique à La Paz.

Dans cette guerre du Pacifique, La Bolivie cède sa façade océanique au Chili et sa région minière d'Antofagasta. Le Pérou perd la province de Tarapaca comprenant les villes de Tacna et Arica.